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OCTOBRE 2018...OCTOBRE 1988



L’Algérie d’octobre 2018 est un pays malmené. Un État-nation harassé par des luttes intestines et des règlements de compte des plus troublants : « crise » au sommet du parlement, arrestations pêle-mêle de journalistes et militants, purges militaires jamais connues auparavant, et une oppression péremptoire à l’égard de tous ceux qui s’expriment librement et défendent leurs droits. L’Algérie d’octobre 2018, c’est malheureusement aussi un pays où une militante et députée du plus vieux parti d’opposition est évincée de sa propre famille politique à cause d’une lettre publique adressée au chef d’État-Major de l’armée. L’Algérie d’octobre 2018 nous renvoie l’image d’une réalité amère ; celles de la parole « opprimée », des violations constitutionnelles et politiques en vrac, et des bassesses rarement égalées.


Mais qu’aucun ne se trompe sur le constat. Cette situation délétère n’est pas nouvelle ; elle est le cumul d’une longue dérive qui a commencé, au moins, dès la fin des années 80, et qui s’achève, très lentement, dans nos déboires actuels. La vacance de pouvoir au plus haut sommet de l’État, boostée par les perspectives des élections présidentielles en 2019, accélère le gangrainement interne d’un système corrompu, prédateur, et qui arrive de moins en moins à faire corps. La « Matrice » — pour reprendre le lexique de notre cher Sammy Ousseddik — est en train de court-circuiter d’elle-même ses lignes et ses colonnes, dans une « interminable » phase de notre histoire contemporaine.


Beaucoup disent que les époques se suivent et se ressemblent dans notre pays. L’Algérie du mois octobre 2018 ne doit-elle pas nous faire interroger sur les causes des événements « Octobre 88 » ? Était-ce un accident de l’histoire post-indépendance ou une longue lutte qui a tourné en révolte inachevée ? L’histoire nous a enseigné qu’« Octobre 88 » était avant tout un vrai espoir d’un renouveau citoyen, une volonté de la société algérienne de ne plus « être sous tutelle ». Elle est la culmination ultime de trois décades d’un combat pour la liberté, la justice sociale et la dignité.


Mais le pouvoir algérien, pris dans sa propre machine, a été têtu, et les « réformateurs » n’ont pas su mettre en place les conditions nécessaires pour construire un vrai projet transformateur. La suite ? L’histoire de chaque pays a ses propres pudeurs. Les nôtres ? Des années de sang, un traumatisme collectif, et une réconciliation sans justice. Puis les choses sont allées vite. Et s’en sont suivi deux décennies de massification de la corruption, de redistribution inefficiente de la rente, de gâchis, et toujours cet entêtement constant des détenteurs du pouvoir à ne jamais relire les demandes actuelles de la société à l’aune de nos erreurs et nos errements.


Trente ans après Octobre 88, nous vivons avec le sentiment que même les « acquis » de la période dite de libéralisation (1988-1991) — aussi fragiles qu’ils fussent —, se sont étiolés durant la dernière décennie. Triste et amer constat lorsque nous savons que l’Algérie d’octobre 88 avait déjà cette envie citoyenne, cette soif d’autonomie et possédait les outils intellectuels, politiques et l’énergie pour faire émerger un État de droit et une démocratie, ancrée dans notre patrimoine et capable de porter nos rêves les plus modernes.

Octobre 2018, « Octobre 88 ». Deux moments politiques distincts. Un même cycle de notre histoire commune poussé par cette même nécessité de travailler collectivement pour l’édification d’un État de droit, seul garant pour les citoyens algériens d’une vie digne, libre et heureuse. L’État de droit — ou plutôt son inexistence — n’est pas un concept politique ou juridique loin de la réalité des Algériens. Bien au contraire, nous vivons ses contrecoups tous les jours : piston pour la recherche d’emploi, corruption dans les bureaux de l’administration, justice à deux vitesses… etc.


Conceptuellement, l’État de droit est un système politico-juridique où prévaut une application stricte et réelle de l’égalité des sujets de droit, de l’indépendance de la justice, et du respect de la hiérarchie des normes (juridiques et bureaucratiques). En d’autres mots, c’est un système de gouvernement où la puissance publique, l’État algérien, doit être toujours soumise au droit de regard des citoyens, seule condition qui prémunit contre les formes arbitraires de pouvoir et les abus de tout genre. Par conséquent, un État de droit, c’est d’une certaine façon l’antithèse du système actuel algérien, dominé par la corruption, la hogra, l’opacité et l’impunité la plus totale.


À Ibtykar, l’Algérie dont nous rêvons passe inexorablement par l’émergence d’un État de droit. Pour cela, il est nécessaire d’engager un travail de réflexion et d’action, nécessairement collectif, et s’entendre sur les principes et les contours d’un tel projet. C’est ce pour quoi nous avons lancé les « Ateliers citoyens Ibtykar » ; des espaces-temps ouverts à tous les citoyens algériens pour échanger, délibérer et travailler ensemble pour mettre en application les actions nécessaires. Si la citoyenneté est un thème de plus en plus présent dans le débat public, rares sont les espaces où les citoyens peuvent pleinement contribuer à faire naître un projet d’avenir pour une Algérie meilleure.


Un tel projet nécessite un travail de longue haleine auquel le mouvement IBTYKAR souhaite modestement contribuer afin de créer les conditions d’un saut historique qui nous permettrait de sortit de notre grande nuit.


Le mouvement IBTYKAR


Ensemble pour une Algérie meilleure.



*Cet article est l'Editorial de notre newsletter d'octobre 2018. Pour recevoir notre newsletter mensuelle directement dans votre boîte email, souscrivez ici

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